Madame ma Psy
Ni trop loin ni trop proche, le regard soutenant, je vois au fond de ses yeux l’empathie et la compréhension profonde. Je la sens sincèrement touchée par mes mots, par celui que je suis, par ma manière pudique de me dévoiler, avec parcimonie, à mon rythme, par mon être tout entier.
Je suis accepté.
Accueilli.
Compris.
Je ressens entre nous une forme d’affection singulière, qui ne ressemble à rien, ni amour, ni amitié, ni voisinage, ni famille, ni inconnu. Une nouvelle forme d’affection, réservée, solide et inconditionnelle.
Lorsque je plonge dans les entrailles de mes traumatismes, parfois inquiet, parfois nauséeux, parfois si triste que je pourrais avoir la sensation de me noyer dans le flot de mes larmes, elle se rapproche de moi, sa main sur mon bras délicatement posée, comme une légère brise, discrète et pourtant si présente, jamais intrusive.
Et moi, je continue à évoluer, j’ai presque envie d’écrire « à muter », à me développer, à ses côtés bienveillants. Je ressuscite. Je récupère peu à peu les morceaux de mon âme, volés par ma mère. Je reconquiers l’espoir et mon potentiel de vie. Je me réunifie.
Il faut dire que Madame possède une boite à outils fort bien fournie ! Presque mieux équipée que la mienne. Comme j’aimerais être « réparé » d’un coup de tournevis, de ponceuse ou de perceuse.
Un peu de ciment pour colmater les brèches de mon psychisme encore fragile et consolider mes nouvelles bases, celles que je me suis construites, moi, en thérapie.
Madame l’ignore probablement mais je reconnais sans peine ses outils de travail. Un grand moment inspiré de PNL par là, une prise de conscience grâce à mes rêves par ici, une bonne assimilation à l’aide d’exercices de Gestalt, un nuage d’analyse transactionnelle enrobé dans un paquet pur Carl Rogers, le tout guidé par Milton Erickson et quelques voyages organisés au pays de rêves éveillés.
J’apprécie l’hétérogénéité des méthodes de Madame. Je ne me sens pas emprisonné dans une méthode, coincé dans une direction, avec un unique panneau indicateur.
Et Madame est un bon guide. Pas trop allumé, pas trop déjanté. Pas gourou pour un sou.
Et comme Madame manie avec dextérité les médiateurs ! Je suis persuadé qu’elle croit que je ne la vois pas venir avec ses propositions parfois farfelues.
« Pourriez-vous représenter votre peur avec la pâte à modeler? » Je réalise alors une œuvre hideuse, que Madame semble trouver très inspirante, mais Madame est plutôt du genre bon public, positif et valorisant, ou alors elle souffre de troubles de la vision.
Ensuite Madame me demande de mettre des mots sur ce que je ressens quand je regarde mon étrange pâté coloré de mille feux. Puis elle me suggère de le transformer en quelque chose de rassurant pour moi. Et à l’intérieur de moi, ma blessure se transforme, je la sens cautériser.
Parfois, Madame me demande si je veux me cacher, si je veux tirer sur une corde, monter sur un tabouret, taper dans un coussin ou même la pousser.
Mais une fois la peur du ridicule passée émerge en moi la sensation de construire brique par brique une solide fondation prête à affronter mes pires démons.
Madame est bizarre, mais Madame est efficace !
Parfois, Madame est un peu énervante.
Dire JE à la place de « on » (c’est très bien « on », non ?), préciser un peu mes propos, parler de mes émotions, de mes ressentis corporels, expérimenter de nouvelles choses…
Et puis, ce n’est pas que je ne veuille pas avancer mais quelquefois, j’aimerais qu’elle ignore mes résistances, qu’elle prenne un congé maladie (cette femme n’est-elle donc jamais malade ?!), qu’elle ne tombe pas si juste, vous savez, juste là où ça fait mal !
Pour terminer, je dirai que Madame fait partie des rares thérapeutes dont la présence a accompagné mon parcours thérapeutique pendant des années.
En quelques décennies, j’ai consulté je crois le panel exhaustif des caricatures de psy. Celui qui ne parle pas, celui qui est trop jeune et ambitieux, celui qui parle trop, celui qui ne comprend rien, celui qui est à côté de la plaque.
Et aujourd’hui, je suis en thérapie avec Madame.